📄 À la suite d’une première tribune appelant au maintien de l’AME publiée en novembre 2023, le Réseau français Villes-Santé a publié une nouvelle tribune au sujet du projet de suppression ou restriction de l’AME.
🗞️ La tribune a été publiée par l’Humanité, lundi 07 octobre 2024.
✏️ Cette dernière a été et est toujours soumise à signature.
Nous comptons sur votre soutien 🙌 pour diffuser et soutenir cette tribune au sein de vos réseaux.
Nous, élus locaux, demandons au gouvernement de ne pas supprimer ni restreindre l’accès à l’Aide Médicale d’État (AME) et mettons en garde contre les conséquences d’une telle initiative.
Le nouveau gouvernement, par la voix de son Premier ministre et de son ministère de l’Intérieur, a annoncé sa volonté de réformer l’Aide Médicale d’État (AME). Réduire le champ de l’AME sera inutile du point de vue des objectifs annoncés : comme l’a rappelé le rapport Evin-Stefanini remis au gouvernement en décembre 2023, l’AME ne suscite pas « d’appel d’air » : on ne vient pas en France pour y être soigné, on n’y reste pas davantage pour ce motif. Réformer l’AME n’aura aucune influence sur les flux migratoires. Les soins pris en charge par l’AME, dont le périmètre est déjà plus réduit que celui du régime général de l’Assurance Maladie, répondent à des nécessités médicales et sont rigoureusement prescrits par les soignants.
Comme l’ont rappelé tous les ministres de la Santé en exercice depuis 2007 dans une tribune parue le 26 septembre dans Le Monde, réduire le champ de l’AME serait triplement dangereux : pour la santé publique, pour l’organisation des soins et pour le budget de l’État. Car ne nous y trompons pas, ceux et celles qui auront impérativement besoin de soins se dirigeront vers les urgences et les permanences d’accès aux soins (PASS) des hôpitaux publics de nos territoires, vers nos centres de santé et dispensaires municipaux, vers nos services de protection maternelle et infantile, de prévention, de dépistage, de santé sexuelle ou encore de planification familiale. Ils y rencontreront des soignants dévoués et engagés qui, conformément à leurs valeurs et au code de déontologie médicale, les prendront en charge, quelles que soient les barrières qui auront été mises pour entraver leur accès aux soins.
Dans nos territoires, les bénéficiaires de l’Aide Médicale d’État sont dans leur majorité des personnes durablement installées en France, même si elles sont encore en situation irrégulière au regard du séjour. En situation économique précaire – rappelons que le bénéfice de l’AME est accordé sous condition de ressources –, elles n’ont pas les moyens de se soigner ou de surveiller leur état de santé en dehors du système public de santé ou de la médecine libérale conventionnée. Sans l’AME, ou avec des droits si limités et complexes qu’elles renonceront à les faire valoir, ces personnes arriveront à l’hôpital ou dans nos services très, voire trop, tardivement : lorsqu’elles n’auront plus le choix, dans un état de santé aggravé nécessitant des traitements plus lourds et plus onéreux.
Exclure certaines catégories d’étrangers en situation irrégulière de l’AME, complexifier le parcours administratif des demandeurs, entraver l’accès à certains soins : toutes les mesures envisagées, sous leur apparence technique, auront des conséquences immédiates.
En rendant plus difficiles les démarches d’obtention ou en rendant l’accès à l’AME dépendant des revenus du conjoint, le gouvernement éloignerait encore davantage les femmes sans papiers des lieux de soin et de prévention, entraverait leur accès à la contraception et à l’IVG, retarderait leur suivi de grossesse et dégraderait leur accompagnement postnatal. Alors que les performances de la France reculent en matière de santé périnatale, avec une hausse de la mortalité infantile en Île-de-France notamment, nous tirons la sonnette d’alarme.
Depuis de nombreuses années, dans nos territoires, nous nous engageons, aux côtés de l’État et de l’Assurance Maladie, pour répondre à la crise profonde de la démographie médicale et de l’hôpital public, mais aussi pour réorienter notre système de santé vers la prévention. Nous accompagnons et finançons les services de santé et de prévention de proximité pour qu’ils répondent aux besoins de santé des plus modestes et des plus éloignés des institutions.
Nous travaillons à rendre les dépistages ou encore l’activité physique plus accessibles. Nous soutenons les soignants qui souhaitent s’installer dans les quartiers les moins favorisés, qui sont aussi les quartiers où vivent les bénéficiaires de l’AME. Les effets de ces politiques locales sont encourageants mais fragiles. En vous en prenant à l’AME, vous déstabiliseriez ces écosystèmes au service des plus modestes, vous contribueriez à abîmer le service public territorial de santé là où il est le plus indispensable.
Nous, élus locaux, demandons au gouvernement de ne pas supprimer ni restreindre l’accès à l’Aide Médicale d’État (AME) et mettons en garde contre les conséquences d’une telle initiative.